Patrimoine et démocratie
Aborder le thème Heritage & Democracy dans la conjoncture culturelle, idéologique et sociale actuelle, appelle immédiatement la double interrogation: quel patrimoine pour quelle démocratie? Le sujet est on ne peut plus urgent. Depuis presque deux décennies, la sauvegarde du patrimoine est tombée dans un état inquiétant de fragilisation conceptuelle et matérielle tandis que, dans le même temps, le principe démocratique s?est trouvé affaibli, dans une rhétorique et des pratiques politiques, qui le réduisent cyniquement à un simple habillage présentable des ambitions économiques néo-libérales, et des post-vérités électorales.
Les deux termes du binôme se trouvent ainsi non seulement en situation de crise réciproque de leurs valeurs fondatrices, mais de ce fait-même, en relation antinomique dans le discours médiatique dominant. En effet, l?opinion du citoyen lambda, nourrie d?idées reçues et de préjugés, est la plupart du temps convaincue que la conservation du patrimoine procède nécessairement du conservatisme: passéiste, rétrograde et élitiste, elle serait l?ennemie d?un «progrès», dont la démocratie serait, à l?inverse, la source et la caution car porteuse d?espérance de vie meilleure?
Pourtant les deux concepts ont beaucoup à partager, indépendamment des clichés et malentendus dont ils sont l?objet, ne serait-ce que par leurs origines communes, leur développement mouvementé depuis deux siècles et leurs rapports institutionnels dans l?Etat moderne. L?histoire entrecroisée de l?essor des sociétés modernes et de la reconnaissance des témoins de leur histoire aboutit aujourd?hui au constat qu?il ne peut y avoir de véritable conservation du patrimoine sans démocratie.
Essayons de vérifier cette assertion en posant l?hypothèse d?un lien de nécessité entre patrimoine et démocratie, en rappelant les sources républicaines des deux notions et en examinant leur mise en oeuvre actuelle.