Le patrimoine en 2015, evidences et paradoxes
2015 marque le centième anniversaire de la Commission fédérale des monuments historiques (CFMH). Globalement, la situation du patrimoine bâti en Suisse s?est améliorée bien au-delà de ce dont nos prédécesseurs de 1915 pouvaient rêver. Mais à y regarder de plus près, la situation du patrimoine est aujourd?hui paradoxale. On doit constater que la sauvegarde du patrimoine et des sites connaît au début du XXIe siècle une situation de paupérisation bien réelle. En même temps, le patrimoine n?a jamais été autant sur le devant de la scène.
Sur le plan sociologique, il ne fait pas de doute que ces contradictions participent d?un contexte général de globalisation et de réduction des valeurs de la culture à leur dénominateur commun le plus banal. Un discours patrimonial public est caractérisé par une perte de toute référence épistémologique, sociale, ou simplement historique. Depuis le milieu du XXe siècle, la vision du patrimoine s?est considérablement élargi. Le problème est que lorsque tout devient patrimoine, plus rien ne l?est vraiment. En plus, la consommation par le seul regard caractérise notre époque en la soumettant à la primauté du paraître sur le signifier. Le patrimoine ne perd pas sa signification mais on conserve pour communiquer non pour transmettre.
Le patrimoine bâti représente la matérialisation des consciences individuelles dans notre environnement. Ce double caractère, matériel et psychologique, fonde les raisons d?être primordiales du lien patrimonial dans la société. Dès lors, sensibiliser le public, les propriétaires et les décideurs au patrimoine architectural implique un tout autre engagement que se contenter d?en faire la publicité! Il s?agit de créer les conditions d?une véritable expérience de l??uvre. Car il s?agit de faire comprendre que le monde n?est pas à notre disposition en libre service. L?héritage de nos prédécesseurs est une dette que nous avons envers nos successeurs.
Image: Jeanmaire & Michel, Bern