Le patrimoine culturel immatériel: l?exemple du cervelas
Si l?on applique la notion de bien culturel immatériel au cervelas, quelques-unes des difficultés liées à ce concept ressortent clairement: la première d?entre elles est de savoir s?il est bien judicieux de distinguer culture matérielle et culture immatérielle. Naturellement, le cervelas est tout d?abord un objet matériel, mais, en tant que tel, il a une durée de vie très brève. Cette difficulté se retrouve dans de nombreuses formes culturelles: le processus de création et le statut matériel d?un bien culturel sont étroitement liés. Même des objets aussi immatériels que des chansons ou des contes de tradition orale nécessitent un support physique, la voix du chanteur ou du conteur, ou alors un artefact technique, qui enregistre cette voix et permette de la reproduire.
Pourtant, ce qui est passionnant avec le cervelas, ce n?est pas seulement son aspect matériel, mais aussi:
1. sa fabrication, qui repose sur un savoir pour ainsi dire traditionnel, tel que mentionné par la convention;
2. la chaîne opératoire, qui va de l?importation du boyau du Brésil jusqu?à la bonne manière de pratiquer l?incision avant le rôtissage;
3. sa signification culturelle pour le pays et pour ses habitants. Or celle-ci est immatérielle, insaisissable, on peut tout au plus la humer, la goûter, la sentir, en faire l?expérience.
Reste à savoir ce que peut bien signifier la protection des biens culturels immatériels. Les enregistrer dans une banque de données, comme l?UNESCO le prescrit, ne peut guère être considéré comme une mesure de sauvegarde. Établir un inventaire peut même produire l?effet inverse et conduire à une rigidité artificielle, qui entrave toute évolution du patrimoine en question. Ce problème est d?ailleurs également bien connu dans la conservation des monuments historiques.
Image: photographie Alexander Jaquemet, Erlach