Pour regarder plus loin que le bout de son nez : un coup d’œil aux édifices parlementaires d’Europe
Les palais des parlements sont des bâtiments qui doivent favoriser les sentiments identitaires. Si l’on passe en revue les hôtels de ville et les parlements d’Europe, on peut identifier deux modèles.
On doit le premier de ces modèles, sur le continent européen, à Gottfried Semper. Ce modèle a cependant ses racines dans le bâtiment du Parlement anglais. Les Chambres siégeaient traditionnellement dans la grande salle du Palais royal de Westminster, le Westminster Hall; après l’incendie du palais, qui n’épargna que cette salle, les architectes Barry et Pugin commencèrent, en 1836, de construire un nouveau bâtiment parlementaire, dont le style s’inspirait du gothique du Westminster Hall. Semper visita le chantier de ce palais en 1838. Et lorsqu’il dévoila son projet pour le nouvel hôtel de ville de Hambourg, l’ancien bâtiment ayant été détruit dans l’incendie de la ville de 1842, l’esquisse présentait, avec ses formes gothiques, une forte ressemblance avec le Palais de Westminster.
Le père du second modèle est l’architecte français Bernard Poyet. Il a construit à Paris l’annexe du Palais Bourbon, où l’Assemblée nationale a siégé sous Napoléon. Sa Salle des Députés en hémicycle emprunte son langage formel à l’Antiquité classique: c’est la première salle d’un parlement construite selon les critères de l’Académie d’Architecture. Par la suite, la plupart des édifices parlementaires d’Europe ont été inspirés par un de ces deux modèles. On les disait «français» ou «antifrançais» – et donc nationaux. Bien sûr, on trouve encore, à côté de ces deux modèles, des parlements construits dans des palais transformés datant de l’époque prérévolutionnaire.
À Vienne, le Reichsrat s’inspire de l’Antiquité grecque. Par contre à Budapest, la seconde capitale de la monarchie aux deux couronnes, on fait des emprunts au gothique, en se référant par là à l’histoire millénaire du Royaume de Hongrie et en s’inscrivant dans une nette opposition vis-à-vis du Parlement de Vienne. Quant aux coupoles, souvent caractéristiques des palais parlementaires, elles remontent au Capitole, édifié à Washington à partir de 1793. C’est aussi dans ce contexte qu’il faut considérer les édifices parlementaires de Suisse, qui bénéficient en outre du fait de ne pas avoir été endommagés par des opérations militaires.
Image: Archive Martin Fröhlich (Carte postale)